ENQUÊTE. En Andorre, l’ancien chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy rattrapé par l’opération «barbouzarde» contre la BPA

MIEUX FISCAL INVESTISSEMENT EN ANDORRE. Andorre propose des avantages multiples et permet aux entreprises et aux personnes physiques de se libérer de la pression fiscale considérable exercée par l’administration fiscale. Mieuxfiscal est spécialisé dans l’optimisation et l’expatriation fiscale afin de redonner de l’oxygène aux entreprises et aux particuliers. La Principauté d’Andorre : un pays coopérant à faible fiscalité Créer son entreprise en Andorre. Devenir résident andorran. La Principauté d’Andorre : un pays coopérant à faible fiscalité. Malgré les idées reçues, Andorre n’est pas un paradis fiscal, mais un pays coopérant à faible fiscalité. En 2015, la France et l’Andorre signent une convention de non double imposition. Andorre respecte par ailleurs l’échange d’information sur des données fiscales des non-résidents ainsi que la déclaration des bénéficiaires effectifs : Andorre et ses agents économiques sont en conformité avec l’ensemble des directives internationales.

ENQUÊTE. En Andorre, l’ancien chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy rattrapé par l’opération «barbouzarde» contre la BPA

ENQUÊTE. En Andorre, l’ancien chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy rattrapé par l’opération "barbouzarde" contre la BPA

 

ENQUÊTE. En Andorre, l’ancien chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy rattrapé par l’opération "barbouzarde" contre la BPA

ENQUÊTE. En Andorre, l’ancien chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy rattrapé par l’opération «barbouzarde» contre la BPA

Alors que le procès de la Banca privada d’Andorra (BPA) s’éternise en principauté, les révélations se succèdent en Espagne. Elles confirment le scénario qu’évoquait La Dépêche dès février 2017. La «police patriotique» active sous le gouvernement de Mariano Rajoy a fabriqué de fausses preuves de blanchiment d’argent mafieux pour instrumentaliser le Trésor américain contre la BPA. Objectif des barbouzes espagnoles ? Torpiller la banque pour accéder aux comptes des principaux leaders indépendantistes catalans et les discréditer. Un boomerang, aujourd’hui, pour Mariano Rajoy : la justice andorrane ouvre une enquête contre l’ex-chef du gouvernement espagnol et deux de ses anciens ministres.

Alfred Hitchcock a édicté une loi d’airain dans le cinéma. «Meilleur est le méchant, meilleur est le film». Le jour où Netflix achètera les droits du tentaculaire feuilleton de la Banca Privada d’Andorra (BPA), sans doute remerciera-t-elle l’ex-commissaire José-Manuel Villarejo, 70 ans. L’homme qui fait trembler le Tout-Madrid et transpirer le gratin espagnol, depuis l’ouverture de son procès-fleuve devant l’Audience nationale, le 13 octobre dernier.

Car en barbouze prévoyante, ce flic véreux, professionnel de l’espionnage politique et financier, avait en effet pris l’habitude d’enregistrer tout le monde, partout, tout le temps, pour nourrir ses «petites» affaires personnelles. Soit 46 entreprises, ici et là, qu’il faisait prospérer en vendant, rançonnant ou extorquant du secret pour un total d’environ 25 millions d’euros planqués pour partie dans des paradis fiscaux, selon la presse espagnole. Un chiffre pour donner l’idée de sa puissance occulte et surtout de son pouvoir de nuisance, de l’autre côté des Pyrénées : lorsque les enquêteurs ont mis la main sur ses archives, celles-ci «pesaient» 40 térabits d’informations audio… l’équivalent de plusieurs mois d’écoute non-stop. Et chacun sait, désormais, que José-Manuel Villarejo n’ignorait rien, non plus, des mouvements financiers opaques concernant les millions d’un certain Juan Carlos…  jusqu’à peut-être se croire intouchable.

Redoutable boîte de Pandore

Ce qui a fait tomber l’ancien policier ? Comme souvent, l’inattendu : une guerre de succession larvée en Guinée-Equatoriale. L’un des clans familiaux avait demandé à l’espion espagnol de trouver des informations compromettantes sur Gabriel Obiang, ministre des Mines et Hydrocarbures, fils de Teodoro Obiang, 42 ans de pouvoir et le plus vieux président en exercice au monde. Mais quand à Madrid la justice s’est intéressée au dossier en soupçonnant également des détournements d’argent public et du blanchiment, c’est une véritable boîte de Pandore qu’elle a découverte en mettant la main sur les enregistrements de Villarejo. Boîte qu’elle a ouverte. Car ce que viennent aujourd’hui confirmer ses « audios », c’est notamment toute l’arrière-cuisine faisandée du Parti Populaire. Mais aussi les manipulations concoctées par certains policiers de ses «officines» lorsqu’il était au pouvoir, à l’instar de la «police patriotique» qui a monté de toutes pièces le dossier contre la Banca Privada d’Andorra et provoqué en suivant la chute de sa filiale, Banco Madrid.

Deux banques liquidées sans procès

Petit retour en arrière pour comprendre. 10 mars 2015 : coup de tonnerre en Andorre. Le Financial Crimes Enforcement Network, le FinCEN, service du Trésor américain luttant contre le crime financier, ouvre une enquête contre BPA – environ 23 000 clients et la quatrième banque de la Principauté – pour blanchiment. Il pointe, notamment, quatre comptes douteux. Au nom de la transparence et pour contrer une éventuelle panique bancaire, assurent-ils, le gouvernement et l’Institut national andorran des finances (Inaf) débarquent alors le conseil d’administration de la banque, dont le directeur général Joan-Pau Miquel est jeté en prison. Les retraits sont plafonnés et la florissante banque des frères Higini et Ramon Cierco (8 milliards d’euros de CA en 2013) se retrouve mise au ban du système international. Les décisions du FinCEN valant oukase mondial, BPA – banque de nombreux salariés et entrepreneurs d’Andorre – ne peut plus commercer en dollars : cela équivaut à une condamnation à mort en attendant sa future liquidation. Puis quelques jours plus tard, l’Espagne embraye : elle flingue Banco Madrid, la filiale de BPA, forte de 6 milliards d’euros d’actifs, de 14 800 déposants et d’un taux de solvabilité sans équivalent dans le royaume, à 38,40 % contre 12,10 % pour les autres banques du pays…

Seulement voilà. L’audit des comptes ne donnera rien. Le 18 février 2016, le FinCEN se retire sur la pointe des pieds et déclare… qu’il n’a plus rien à dire dans le dossier. Pour le gouvernement d’Antoni Marti, en Andorre, c’est la preuve qu’avec l’Inaf, le pouvoir a pris les bonnes décisions contre la BPA et circonscrit les risques, qui, de son seul point de vue, pesaient sur l’ensemble du système bancaire andorran. Selon lui, la «transparence» revendiquée impliquait de liquider le présumé «mouton noir».

Pour les défenseurs de BPA, c’est surtout la preuve que le dossier est vide. De fait, sept ans plus tard, toutes les enquêtes ouvertes par la justice espagnole se sont soldées par des acquittements et des relaxes, aucune infraction pénale ou administrative n’ayant pu être démontrée par l’accusation, concernant Banco Madrid. Tandis qu’en Andorre, le procès contre la BPA, lui, n’en finit plus et se transforme en marathon procédural, de report en report. Faute aussi d’éléments probants ?

«Ce qui est arrivé à Banco Madrid, à sa maison mère BPA [est] le résultat d’un véritable complot qui [viole] gravement l’état de droit», résumait pour sa part un journaliste espagnol sur un site d’investigation en ligne, ce début juin, tandis qu’El País évoque aussi la manipulation dont Villarejo s’avère l’une des principales chevilles ouvrières, contre la banque andorrane. Ce faisant, c’est une nouvelle chronologie qui apparaît désormais, venant confirmer – selon nos sources proches du dossier et les « audios » de l’ex-commissaire diffusés par la presse espagnole – un coup monté pour nuire aux indépendantistes catalans.

Une «police patriotique»

Pour faire simple, voici comment pourrait aujourd’hui se résumer l’histoire, dans ses grandes lignes : début 2014, le gouvernement Rajoy voit monter avec inquiétude la fièvre indépendantiste en Catalogne et les gigantesques manifestations qui s’annoncent, amplifiées notamment par la commémoration du tricentenaire de la chute de Barcelone dans l’escarcelle des Bourbon, le 11 septembre 1714. Dès mars, sa «police patriotique» se met donc au travail. Eugenio Pino, directeur adjoint opérationnel de la police, l’ancien commissaire aux affaires intérieures Martin Blas et les commissaires Villarejo et Esteban, la «police politique», listent cinq dossiers à exploiter parmi lesquelles Jordi Pujol et la BPA.

Comment attaquer le mouvement ? En finissant de discréditer l’emblématique ancien président de la Generalitat de Catalogne, Jordi Pujol donc, plombé par les soupçons de corruption systémique l’accompagnant, lui, sa famille et son parti CiU. Ce qui suppose d’accéder à ses comptes présumés chez BPA… où il aurait transféré quelques mois auparavant environ 4 millions d’euros depuis une autre banque andorrane où il avait ses habitudes. Or, cette même année 2014, il se trouve que de l’autre côté de l’Atlantique, les gendarmes financiers américains du FinCEN font savoir à qui de droit, en Principauté, qu’ils sont très, très agacés par 16 millions d’euros déposés en cash par des trafiquants de drogue hollandais dans une banque andorrane… Laquelle n’est pas la BPA. Les premiers vont bientôt jouer de la colère des seconds après avoir échoué dans une première approche de leur principale cible, la BPA, justement. 

Dès 2014, des menaces contre la banque

En juin 2014, Joan Pau Miquel, directeur général de BPA, a en effet été l’objet d’une étonnante démarche. Un chantage qu’il enregistre et produit… Le débit nerveux et rapide, l’inspecteur en chef de la police à l’ambassade d’Espagne, Celestino Barroso, lui délivre une menace très claire : la Banque d’Espagne va détruire Banco Madrid, si BPA ne livre pas, en substance, les comptes de la famille Pujol, d’Artur Mas, son successeur, et d’Oriol Junqueras, leader de l’ERC, la Gauche républicaine catalane. BPA refuse. Or fin août, suite à leur agacement sur les 16 millions d’euros des dealers hollandais, les Américains enjoignent «urgemment» la principauté d’Andorre d’appliquer les mesures du «Moneyval», le Comité d’experts sur l’évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, sous l’égide du Conseil de l’Europe. Mais l’Andorre semble trop tarder à agir à leur goût. Cette fin 2014, ils veulent taper du poing sur la table et faire un exemple. Du côté de Madrid, on saute sur l’occasion.

Bidonnage

Pino, Blas, Villarejo et Esteban sont des professionnels, décrits comme la «vieille garde» de cet « Etat profond espagnol n’ayant jamais renoncé à évoluer en marge du droit depuis la fin du franquisme afin que la droite reste au pouvoir. La «police politique» va donc livrer clés en main à Washington la banque d’Andorre qui l’intéresse, elle. Elle lui désigne ainsi  la BPA comme cible privilégiée. Sachant que l’Oncle Sam réagit au quart de tour à certains mots-clés comme «Venezuela», «cartel mexicain», «russe», «chinois»… Les barbouzes lui fournissent les comptes ad hoc et les «fignolent» pour charger la barque,  détournant au passage l’attention d’autres établissements «sensibles» pour l’establishment espagnol. Un procureur suisse n’a-t-il pas relevé, notamment, la trace d’un compte du monarque déchu dans l’un d’eux ?

Bref, à la BPA, on blanchirait en quantité l’argent de gens que combattent les Etats-Unis, bidonne donc la «police patriotique». Le 10 mars 2015, l’exécution de la banque est prononcée. Et en dépit de la souveraineté de la principauté andorrane, des enquêteurs espagnols surgissent soudain pour y récupérer les listings de ses clients. Mais dans les semaines qui suivent, d’aucuns remarqueront aussi, en Andorre, que dans un contexte de mutation économique du pays, la disparition de la BPA tombait aussi à point nommé pour ses concurrentes.

Près de 650 M€ de préjudices réclamés

«Il faut être lucide. Personne ne va pleurer sur la mort d’une banque d’Andorre. Ni sur ses actionnaires. Mais ce qui s’est passé est très grave. Non seulement l’extraterritorialité du droit américain a permis de tuer deux institutions financières saines, sans aucune preuve ni procès, mais en plus Madrid a complètement manipulé Washington dans cette affaire d’État», commente un proche de la BPA. «Et se pose la question du rôle du chef du gouvernement andorran, à l’époque, et de son ministre des Finances, Jordi Cinca», ajoutent ceux qui suivent le dossier, s’interrogeant quant à la façon dont ils auraient pu être «abusés» par les barbouzes espagnoles.

Aujourd’hui, Joan-Pau Miquel et 23 anciens salariés de la banque sont toujours devant le tribunal. Quelque 300 personnes ont perdu leur emploi à Madrid tandis qu’un «fonds vautour» américain a liquidé la BPA. Et reste encore à trancher un cas qui n’est pas forcément un détail : les 200 à 300 millions d’euros de blanchiment d’un certain Gao Ping. Trafiquant mafieux chinois ou homme d’affaires blanchisseur de fraude fiscale ayant agi contre le droit espagnol mais dans un cadre légal permis par l’Andorre ? La justice andorrane suit son cours.

Mais elle lance aussi une véritable bombe en ce début juin. En Espagne, El Mundo a en effet annoncé qu’elle ouvrait une enquête sur l’ancien chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy, son ancien ministre de l’Intérieur Jorge Fernandez Diaz et son ancien ministre du Budget Cristobal Montoro. La juge d’instruction Stéphanie Garcia a en effet donné suite à la plainte qu’avaient déposé en 2019 les dirigeants de BPA, l’Institut des droits humains d’Andorre et DRETS, un collectif de juristes catalans : elle a délivré des commissions rogatoires pour les informer de leur convocation – sous 15 jours – dans le cadre d’une enquête pour coercition, menaces, chantage et extorsion, au préjudice des dirigeants de la Banca Privada d’Andorra. Préjudice qui, pour les actionnaires a aussi un prix. 496 millions d’euros pour BPA, réclamés à l’État andorran et 150 millions d’euros pour Banco Madrid, réclamés à l’Espagne.

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