Dividendes : les conventions fiscales avec les pays du Golfe dans le viseur des députés
Dividendes : les conventions fiscales avec les pays du Golfe dans le viseur des députés
Les nouvelles évaluations de la fraude fiscale aux dividendes – appelée « CumCum » – vont donner lieu à des débats dans le cadre de l’examen du budget. Les élus de gauche remettent en cause les conventions signées avec les pays du Golfe, qui rendent possibles des stratégies d’évitement.
Trente-trois milliards d’euros perdus par la France en vingt ans. Une semaine après les nouvelles évaluations publiées par « Le Monde » et d’autres médias sur les montages fiscaux portant sur les dividendes – une technique baptisée « CumCum » – , le sujet s’invite dans le débat budgétaire. Jeudi dernier, les députés socialistes ont déposé quatre amendements pour renforcer la lutte contre ces pratiques qui coûtent très cher à l’Etat. D’autres devraient suivre.
Les parlementaires réclament le durcissement du bouclier existant . Outre la question des banques qui aideraient des investisseurs étrangers à éviter l’impôt en France, ils pointent un autre problème : celui des conventions fiscales signées entre la France et des pays comme l’Arabie saoudite, Dubaï, le Qatar, etc. En vertu de ces accords, qui visent normalement à éviter la double imposition, les sociétés et résidents de ces Etats bénéficient de nombreuses exonérations d’impôts dans l’Hexagone.
Plainte contre X
Dans le cadre du « CumCum », ces conventions sont utilisées par des résidents français, qui font transiter des titres par des entités de ces pays le temps d’échapper à la retenue à la source sur les dividendes. « Le bouclier voté en 2018 s’avère insuffisant contre ces pratiques d’optimisation très agressives », explique le député PS Boris Vallaud, qui avait déjà déposé une plainte contre X à l’époque, au nom d’un collectif de contribuables.
« L’objectif, poursuit le député, est de rétablir un amendement transpartisan qui avait été adopté au Sénat en 2018 dans le sillage du scandale des »CumEx Files» , mais qui avait été édulcoré à l’Assemblée. »
Des critères plus techniques
Faute de pouvoir se fonder sur un critère territorial, en désignant la résidence fiscale et donc la fameuse liste des pays qui bénéficient de conventions généreuses – ce qui contreviendrait au droit européen -, les députés tentent d’appréhender le problème par des critères plus techniques comme la durée du transfert des titres. Ils ne se font toutefois pas beaucoup d’illusions, étant donné la complexité des outils financiers.
L’ambition est surtout de pousser le gouvernement à revoir les accords signés avec certains Etats. C’est le sens de l’amendement porté par la députée PS Christine Pirès Beaune, qui demande un rapport « détaillant l’impact des conventions fiscales internationales conclues notamment avec l’ Arabie saoudite , le Bahreïn, l’Egypte, les Emirats Arabes Unis, la Finlande, le Koweït, le Liban, Oman et le Qatar, ainsi que toute autre convention fiscale pertinente, sur les possibilités d’évitement de l’impôt ».
Evitement légal ou illégal de l’impôt
Il s’agit de « chiffrer le manque à gagner pour les recettes publiques » et d’évaluer « l’opportunité de réviser les conventions identifiées comme permettant l’évitement, légal ou illégal, de l’impôt », est-il précisé.
Le débat n’est pas nouveau. En 2019, le rapport d’information sur le bilan de la lutte contre les montages transfrontaliers rédigé par Emilie Cariou (ex-LREM) et Pierre Cordier (LR) recommandait de réviser d’urgence les « conventions prévoyant une exonération des flux sortants de dividendes de toute retenue à la source, compte tenu des abus résultant de cette stipulation ».
Accords avec le Qatar sous Nicolas Sarkozy
En 2015, la question des accords avec le Qatar , conclus en 1990 et rendus encore plus favorables en 2008 sous Nicolas Sarkozy, avait été posée par Jean-Yves Leconte, un sénateur socialiste. « Cette convention confère à la France un statut particulièrement attractif – pour ne pas dire un statut de paradis fiscal – pour tout investisseur qatari », jugeait-il.
Contrairement aux conventions classiques, celle-ci prévoyait (c’est toujours le cas) qu’il n’y ait aucune retenue à la source sur les dividendes, pas d’imposition en France sur les redevances, ni sur les revenus de créances. L’Etat ou le fonds souverain du Qatar étant par ailleurs exonérés d’impôts sur les plus-values immobilières réalisées dans l’Hexagone.
Selon les données obtenues par le sénateur, les avantages accordés au Qatar faisaient perdre, à l’époque, quelque 150 millions d’euros par an de recettes à l’Etat français.
En réponse, Bercy avait surtout expliqué que ces conventions « permettent de disposer d’un support pour la coopération fiscale, notamment en matière d’échange de renseignements » et offrent « un cadre sécurisé pour les contribuables et les entreprises confrontés à des situations transfrontalières ».
Mais aujourd’hui, cet enjeu trouve sa réponse dans la convention d’échanges d’informations de l’OCDE , que beaucoup de ces pays ont signée. En revanche, les possibilités d’abus offertes par les accords bilatéraux demeurent. Les députés PS le rappelleront lors de la poursuite de l’examen du budget dans l’Hémicycle, en novembre.